Entre grosses sorties et jeux attendus, le paysage vidéoludique accueille parfois des titres indépendants aux ambitions particulièrement affirmées. C’est précisément le cas de Maliki: Poison of the Past, développé par le studio breton indépendant Blue Banshee.
Sorti dans une relative discrétion, ce RPG propose une expérience originale combinant des combats stratégiques au tour par tour, des puzzles, ainsi que des éléments de simulation agricole. Inspiré de la webcomic française du même nom, le jeu tente de séduire autant les habitués de l’univers de Maliki que les nouveaux joueurs à la recherche d’un titre frais.
Mais ses nombreuses idées se combinent-elles harmonieusement ?
Un univers narratif accessible, riche et décalé
Malgré son sous-titre évocateur, Poison of the Past place son intrigue dans un futur où l’humanité est menacée par une plante monstrueuse répandant un poison mortel. Pour contrer ce fléau, Maliki, personnage énigmatique au centre de la narration, décide de geler le temps et de convoquer un héros nommé Sand pour sauver le monde. Si ce contexte pourrait paraître complexe au premier abord, Blue Banshee a pris soin de ne pas perdre les joueurs en route. En effet, tout contexte additionnel nécessaire à la compréhension est distillé habilement via des interactions naturelles avec divers PNJ.
Côté personnages, le jeu s’appuie sur une galerie variée et pittoresque : on y retrouve par exemple Lady, une cuisinière féline au visage sans bouche dont l’histoire personnelle intrigue immédiatement, ou encore Becky, Fang et Fenimale, compagnons de route aux personnalités différentes mais jamais caricaturales. À travers ces échanges réguliers avec des personnages secondaires, le jeu parvient à maintenir un rythme narratif dynamique sans recourir aux traditionnels marqueurs de quête ou mini-cartes, encourageant une exploration active.
Toutefois, bien que cette diversité fonctionne globalement bien, le personnage principal, Sand, semble étrangement détaché des enjeux du récit. Héros silencieux typique, il sert davantage d’avatar au joueur que de véritable pivot narratif, ce qui atténue quelque peu l’immersion émotionnelle. Heureusement, ce léger décrochage est compensé par l’humour subtil et le ton décalé omniprésents dans les dialogues et les descriptions, assurant ainsi une atmosphère à la fois drôle et touchante.
Le gameplay, un mélange hétérogène de bonnes idées
Dès les premières heures de jeu, Maliki: Poison of the Past propose une structure en niveaux thématiques qui se débloquent au fil du temps. Chaque zone présente son propre lot d’énigmes, de combats et de missions à objectifs multiples, souvent construites autour de petites chaînes de quêtes façon « va-et-vient ». Ces segments, bien que relativement classiques, bénéficient d’une mise en scène soignée et de variations de gameplay suffisantes pour éviter la lassitude.
À mesure que l’équipe s’étoffe, le joueur accède à de nouvelles capacités utiles pour résoudre certains puzzles environnementaux. Un système intelligent permet d’alterner rapidement entre les personnages à proximité d’une énigme, ce qui dynamise les interactions et renforce l’identité de chacun dans le gameplay. Cette mécanique, bien intégrée, facilite également la lecture spatiale des défis et renforce la fluidité de la progression.
Cependant, l’introduction d’éléments annexes comme l’agriculture ou la cuisine vient brouiller cette structure pourtant cohérente. Le joueur peut débloquer de nouvelles zones en nourrissant un arbre central avec la monnaie du jeu, mais cet aspect, censé encourager l’exploration, introduit aussi un risque de progression déséquilibrée. De plus, l’absence de véritable système d’endurance ou de contrainte temporelle rend le cycle jour/nuit et les activités agricoles anecdotiques. Malgré une prise en main intuitive des outils, ces systèmes donnent parfois l’impression d’avoir été ajoutés pour allonger artificiellement la durée de vie plutôt que pour enrichir l’expérience.
En somme, si les bases du gameplay sont solides et parfois ingénieuses, l’accumulation de mécaniques secondaires finit par nuire à la lisibilité de l’ensemble. Le jeu gagne en variété ce qu’il perd en cohérence, et c’est dans cet équilibre fragile que Maliki: Poison of the Past révèle ses limites.
Le système de combat de Maliki et ses petites lacunes
L’aspect tactique du jeu se révèle pleinement lors des affrontements, qui misent sur un système au tour par tour enrichi par la possibilité de manipuler une ligne temporelle. Cette mécanique permet, par exemple, de reculer ou d’avancer dans le temps pour déclencher des soins ou coordonner des attaques combinées, notamment une fois Fenimale intégrée à l’équipe. Cette approche donne lieu à des combats parfois brillants, mais dont l’exécution peut s’avérer inégale.
En effet, si la variété des animations et la gestion des synergies entre personnages sont appréciables, certains affrontements s’étirent inutilement. Le recours fréquent à des actions préparatoires, comme la concentration ou la régénération par passage de tour, allonge artificiellement le déroulement des combats. Le jeu repose peu sur des mécaniques de contre-attaque immédiate ou d’interruption dynamique, ce qui pourrait frustrer les amateurs de combats plus nerveux.
Malgré cela, la simplicité du système d’équipement et l’absence de menus surchargés rendent l’ensemble accessible. Tous les personnages progressent en parallèle, ce qui allège considérablement le besoin de gestion individuelle et réduit le temps passé dans les interfaces. En contrepartie, cette simplification peut manquer de profondeur pour ceux qui recherchent un RPG plus technique. Ainsi, le système de combat se situe à mi-chemin entre accessibilité et complexité, sans jamais vraiment trancher.
Direction artistique et ambiance sonore : la vraie signature du jeu
Au-delà des mécaniques de gameplay, c’est bien l’univers sensoriel du jeu qui marque durablement. Visuellement, Maliki: Poison of the Past adopte une direction artistique très colorée, aux teintes pastels et aux animations fluides, renforçant le sentiment de légèreté qui accompagne l’exploration. Chaque zone traversée affiche une identité visuelle propre, appuyée par des détails soignés et des effets d’ambiance réussis. Cette cohérence graphique participe pleinement à l’immersion, notamment lors des phases de narration plus posées.
Mais c’est surtout la bande-son qui donne à l’ensemble une dimension plus marquante. Dynamique et parfaitement adaptée au rythme du jeu, la musique évolue selon le contexte : plus contemplative dans le hub central, elle se fait plus intense lors des phases de combat ou d’exploration. Ce travail sonore renforce les émotions sans jamais se montrer envahissant. Il accompagne discrètement les moments de creux, tout en amplifiant les pics d’intensité, jusqu’à devenir l’un des piliers de l’expérience globale.
De nombreux joueurs pourraient ainsi se surprendre à prolonger certaines séquences — comme l’agriculture ou la déambulation dans les zones ouvertes, uniquement pour profiter de l’ambiance musicale. Dans un titre aussi hybride, cette cohérence sonore constitue un socle solide autour duquel viennent s’articuler les systèmes plus ou moins aboutis.
Explorez un monde vaste dans Maliki: Poison of the Past, au risque de s’y perdre
Si l’univers de Maliki impressionne visuellement, sa structure spatiale suscite davantage de réserves. Le hub central, conçu comme un espace d’accueil et de gestion, se veut vaste et foisonnant. Pourtant, cette générosité se retourne parfois contre l’ergonomie globale. En effet, l’absence de carte ou d’indicateur de direction, couplée à la multiplicité des zones, peut désorienter, même après plusieurs heures de jeu.
Cette désorientation n’est pas nécessairement un défaut en soi : elle encourage une approche plus libre de l’exploration et une appropriation progressive de l’espace. Cependant, dans le cas présent, elle tend à ralentir artificiellement certaines séquences, notamment lors de quêtes ou d’allers-retours répétitifs. Le cycle jour/nuit, bien que présent, n’a pas d’impact réel sur les routines des personnages ou les événements disponibles, ce qui renforce ce sentiment d’espace sous-exploité.
Par ailleurs, certaines mécaniques liées à l’exploration (comme le dégel des PNJ figés) apportent un intérêt narratif appréciable. Ces séquences, souvent accompagnées de dialogues empreints d’humour ou de mélancolie, offrent un contrepoint bienvenu aux phases de combat plus techniques. Néanmoins, elles auraient gagné à être davantage intégrées dans la progression principale, plutôt que cantonnées à des événements secondaires.
Ainsi, l’exploration dans Maliki: Poison of the Past oscille entre émerveillement visuel et décrochage fonctionnel. Elle illustre bien la philosophie du jeu : une œuvre généreuse, parfois déséquilibrée, mais toujours animée d’une volonté sincère de surprendre.
Maliki: Poison of the Past séduit par son ambition mais s’éparpille dans son exécution
Maliki: Poison of the Past propose une expérience foisonnante, à la croisée des genres et des intentions. Ce RPG indépendant étonne par la variété de ses mécaniques, son univers narratif accessible et sa direction artistique chaleureuse. Pourtant, à force d’additionner les systèmes (parfois au détriment de leur profondeur) le jeu finit par perdre en clarté ce qu’il gagne en générosité.
Son écriture habile, sa bande-son remarquable et son ambiance visuelle font de lui un titre attachant, malgré une structure de progression parfois brouillonne et des mécaniques secondaires sous-exploitées. En somme, l’œuvre de Blue Banshee réussit à transmettre sa passion, même si celle-ci aurait mérité un meilleur équilibre pour réellement s’épanouir.
Points positifs
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Une direction artistique colorée et cohérente
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Une bande-son immersive et dynamique
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Une écriture accessible, avec de bons dialogues
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Un système de combat original basé sur le temps
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Une structure d’exploration libre et encourageante
Points négatifs
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Un héros principal peu impliqué dans l’histoire
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Un hub trop vaste sans carte ni repère
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Des combats parfois trop longs et répétitifs
Fiche technique de Maliki: Poison of the Past :
Éditeur : Blue Banshee
Développeur : Blue Banshee
Date de sortie : Le 22 avril sur Nintendo Switch et le 24 février PC
Type : RPG
Langue : Français