
ELDEN RING NIGHTREIGN
Plateforme de test : PS5 Pro
Date de sortie : 30 mai 2025
Développeur : FromSoftware
Éditeur : Bandai Namco
Style : Rogue-like
Disponible sur :
Avec la sortie d’Elden Ring en 2022, les fans on tout de suite spéculés sur le contenu additionnel. Parmi les rumeurs existait celle d’un mode PvP en arène. Malgré l’invasion qui permet à un joueur de venir croiser le fer avec un autre dans son monde, FromSoftware a vu plus grand et plus original que cette idée pour son meilleur Souls-like avec le lancement de Nightreign, un jeu stand alone qui s’avère être une lettre d’amour au jeu de base ainsi qu’au précédents jeux du studio japonais. Mais alors qu’on se doute que les fans des jeux FromSoftware apprécient leurs longues expériences solo, on est en droit de se demander à qui s’adresse vraiment ce jeu. Une expérience coopérative à 3 qui tient énormément du style Rogue-lite mais dont l’exigence pourrait faire basculer l’intérêt des plus téméraires.
Le nom de FromSoftware évoque immédiatement des souvenirs de désordre contrôlé, de boss impitoyables et d’une mélancolie dévorante noyée dans des brumes cryptiques. Depuis Demon’s Souls, le studio japonais a construit une identité forte, jusqu’à culminer avec Elden Ring, devenu une référence absolue du jeu d’action-RPG en monde ouvert. Mais voilà que débarque Nightreign, un titre qui, s’il enfile les atours visuels de son prédécesseur, choisit une toute autre trajectoire ludique. Finie l’exploration contemplative d’un monde en ruines, place à une structure rogue-lite née pour la coopération.
Derrière cette nouvelle proposition se cache Junya Ishizaki, un nom moins connu que celui de Miyazaki, mais dont le CV suffit à rassurer les initiés : Dark Souls, Bloodborne et Elden Ring, rien que ça. Pour nightreign, il a reçu carte blanche. Et cela se sent. Le jeu tranche avec les habitudes du studio, tout en glissant quelques clins d’œil qui sauront flatter les fidèles.
Nightreign, un spin-off dirigé par Junya Ishizaki sous l’oeil attentif de Miyazaki
Dés le menu principal, le ton est donné. Pas de longs préambules narratifs, aucune scène introductive à décrypter : Nightreign plonge directement le joueur dans un univers consumé par une entité obscure, le Seigneur de la Nuit. Là où Elden Ring cultivait la lenteur et l’observation, le nouveau venu affiche une urgence quasi brutale, portée par sa structure en cycles.
On y incarne un Nocturne, une sorte d’âme damnée engagée dans une boucle infernale de trois nuits. Chaque session propose ainsi une montée en tension rapide : exploration, loot, confrontation. La boucle est volontairement restreinte, rythmée par un temps limité et l’obligation de s’adapter à l’équipement trouvé sur place. Une mécanique qui détonne chez FromSoftware, mais qui reflète le changement de philosophie opéré par Ishizaki.
Lui-même, lors d’une interview, explique qu’il ne souhaitait pas « imiter » le style Miyazaki, mais « jouer avec son héritage pour en faire autre chose ». Une approche qui se ressent à tous les niveaux, depuis le pacing du jeu jusqu’à son architecture en escouade. Les joueurs ne peuvent pas aborder Nightreign comme un jeu solo traditionnel, sous peine de heurter violemment les limites de cette conception collective.
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En découlent plusieurs choix de design : impossible de partir à deux au lancement, le jeu impose des groupes de trois ou bien un affrontement en solitaire bien plus punitif puisque les ennemis se focalisent sur l’unique joueur. Si l’impossibilité de se lancer en binôme a surpris plus d’un joueur, le studio japonais a déjà confirmé travailler sur cette option. Le projet n’est donc pas figé, et Ishizaki compte bien l’ajuster selon les retours, sans pour autant renier sa vision initiale.
Une structure Rogue-lite axée sur des cycles de trois nuits
La promesse de Nightreign repose sur une formule simple en apparence : trois nuits, trois actes, une boucle à recommencer. Chaque partie se déroule à Limveld, une version alternative et générée de manière procédurale de Limgrave, peuplée d’ennemis plus ou moins coriaces, et se termine par un affrontement contre une manifestation du Seigneur de la Nuit. L’objectif est clair : s’équiper au mieux avant l’inévitable et foncer vers le premier site de grâce pour monter en niveau pour augmenter ses jauges de PV, Endurance et Mana. Mais entre l’idée et l’exécution, le titre se frotte à quelques petits paradoxes.
La gestion de l’équipement suit une logique propre aux rogue-lite : on commence avec un équipement de classe basique, on dépend entièrement du butin looté au fil des combats et ouvertures de coffres. L’aléatoire gouverne ici l’expérience. Si l’on tombe sur un équipement rare dès les premières minutes, l’ascension vers le boss s’effectue avec un certain confort. Dans le cas contraire, c’est une véritable course contre la montre, où chaque erreur se paie comptant. Le joueur n’emporte rien ou presque entre deux runs, hormis quelques reliques permanentes préalablement débloquées dans le hub.
Cette structure incite les joueurs à explorer frénétiquement les environs. Les joueurs découpent la carte en zones d’intérêt, sprintent jusqu’aux ennemis les plus récompensants, puis rejoignent le feu le plus proche pour consolider leurs acquis. Une boucle efficace, mais qui, à la longue, risque d’éroder l’émerveillement initial. On y joue davantage pour optimiser que pour découvrir. Et si chaque session reste théoriquement unique grâce au loot dynamique, les grandes lignes de gameplay finissent par se ressembler.
C’est là que Nightreign s’éloigne le plus de Elden Ring : là où le monde ouvert incitait à la curiosité, le rogue-lite pousse à la rentabilité. Une métaphore ludique du joueur stratège remplace celle du pèlerin solitaire. Certains y verront un renouvellement sympa. D’autres regretteront une perte de mystère.
Quelques autres différences peuvent également être rapidement soulignées dans le gameplay de ce spin-off. Des décisions qui sont justifiée par la volonté de tout rendre plus rapide et incisif, comme la possibilité de courir à toute allure sans dépenser d’endurance, double-sauter sur des parois mais aussi de ne pas mourir en un instant. A la place, le joueur à terre dispose d’une jauge qu’il faut ramener à zéro en se faisant frapper par les alliés. Chacun a le droit de mourir plusieurs fois pour autant qu’il se fasse sauver. Mais si aucun joueur n’y parvient, c’est terminé, et le « Game Over » survient si tout le monde y reste.
Un gameplay où l’improvisation règne sur la maîtrise
Chaque nuit dans Nightreign pousse à faire avec les moyens du bord. Le joueur ne construit pas son personnage, il l’improvise. Et c’est peut-être là que le bât blesse pour les amateurs de builds millimétrés : l’arbre de compétences est réduit à la portion congrue, et les choix stratégiques reposent bien plus sur l’adaptation que sur la planification. Les classes disponibles disposent certes de capacités propres, mais leur influence réelle sur l’issue d’une partie reste modeste.
Les développeurs ont misé sur une variété d’effets contextuels et de mécaniques de survie, plutôt que sur des spécialisations fortes. Ce choix, cohérent avec la philosophie rogue-lite, dilue en revanche le sentiment de progression. On subit davantage les conditions d’un run qu’on ne les façonne. Les reliques, censées apporter une couche de persistance entre les parties, peinent à générer un sentiment d’évolution palpable. Elles modifient légèrement le rythme, rarement la dynamique complète d’une session.
Les combats eux-mêmes s’appuient sur les fondations du studio : lisibilité des animations, pattern d’attaque lisibles, roulades salvatrices. Mais sans la précision du placement et la rigueur des confrontations typiques d’un souls, Nightreign favorise une action plus brute, plus chaotique, surtout en escouade. Un groupe mal coordonné peut faire voler une session en éclats, surtout face à des boss qui punissent l’indiscipline. À l’inverse, une équipe soudée compensera aisément les faiblesses d’un loot moyen.
C’est un système de jeu où la cohésion prime sur la compétence individuelle. Un pari audacieux, mais qui laisse de côté une partie du public, habitué à être maître de ses outils, pas otage du hasard.
Nightreign affiche une complexité superficielle pour s’adapter à un public large
Dans Nightreign, le choix de classe détermine davantage une posture de départ qu’un véritable rôle en équipe. Chaque classe dispose d’une capacité unique, souvent liée à l’esquive, au contrôle ou au soutien, mais leur impact reste périphérique. Les affrontements ne reposent pas sur une coordination millimétrée entre un tank, un soigneur et un DPS. On est loin d’un fonctionnement à la Overwatch ou Destiny 2. Ici, tout le monde cogne, tout le monde esquive, et chacun espère tomber sur une arme rare pour faire la différence.
Ce manque de complémentarité structurelle n’empêche pas certaines classes d’apporter un confort bienvenu. Un tir puissant, un soin d’urgence ou un effet de camouflage dans le brume peuvent sauver une escouade mal embarquée. Mais ces compétences se retrouvent limitées par des temps de recharge longs et une lisibilité parfois brouillonne en pleine action. Résultat : on les utilise plus par réflexe que dans le cadre d’une stratégie pensée.
Les reliques, quant à elles, incarnent l’idée de progression sur le long terme. Débloquées au fil des réussites, elles offrent des bonus passifs à équiper avant chaque session. Sur le papier, elles devraient permettre d’affiner son style de jeu. Dans la pratique, leur influence reste modeste, presque décorative. Le joueur se retrouve souvent à choisir entre une amélioration légère de son endurance ou un léger bonus de dégâts, sans réelle incidence sur l’issue de la partie.
Ce déséquilibre entre promesse et résultat donne l’impression d’un système stratégique en jachère. Le jeu pose les bases d’une synergie d’équipe, sans jamais la cultiver. Il en résulte une dynamique où la performance dépend plus de l’aléatoire du loot que de la complémentarité des profils. Une frustration pour ceux qui espéraient une coopération plus tactique, mais une opportunité, peut-être, pour de futures mises à jour.
D’autre part, certains petits soucis techniques viennent également entacher la fluidité des parties et l’efficacité de chacun. Des problème déjà soulevés dans les jeux d’action comme le positionnement de la caméra, ou d’autres un peu plus gênants comme de grosses chutes de framerate régulières, même sur PS5 Pro qui ne bénéficie pas de mode graphique dédié au lancement.
Un hub central qui tirerait profit d’un peu plus de mystère
Le point de ralliement des joueurs, le célèbre Bastion de la Table Ronde, fait encore une fois office de camp de base entre deux excursions. On y retrouve un marchand, quelques PNJ et des terminaux pour gérer ses classes, ses reliques ou lancer une nouvelle session. L’ensemble reste fonctionnel, mais déçoit sur le plan de l’ambiance. Là où les hubs de Dark Souls ou Bloodborne véhiculaient un certain mystère, celui de Nightreign semble figé, presque décoratif.
Les interactions y sont limitées, les dialogues peu nombreux et souvent répétitifs. On y résout bien quelques énigmes pour débloquer de nouveaux personnages jouables, mais ces activités annexes s’épuisent rapidement. L’aspect coopératif du soft aurait pu justifier une surcouche sociale plus poussée — salon de discussion, gestuelle contextuelle, événements dynamiques — mais ces fonctionnalités brillent par leur absence.
Le lieu donne l’impression d’un décor posé entre deux boucles de jeu, sans véritable existence propre. Et c’est sans doute là que le bât blesse : dans un titre qui valorise la collaboration et la stratégie collective, on s’attendait à ce que ce hub central soit plus qu’un simple sas fonctionnel. Il en résulte un contraste marquant entre l’intensité des phases d’action et la froideur clinique du Bastion, qui peine à s’imposer comme un espace marquant de l’univers.
Une expérience coopérative qui peut facilement être déséquilibrée
Pensé dès le départ comme une aventure collective, Nightreign s’adresse à des joueurs capables de composer en équipe. Le système encourage la coordination, la répartition des rôles sur le terrain, et surtout une lecture commune des priorités dans le feu de l’action. Sur le papier, l’idée semble limpide. Dans les faits, tout dépend de vos partenaires de route.
Le matchmaking aléatoire, incontournable pour ceux qui n’ont pas d’escouade préformée, peut transformer une session en démonstration de chaos. L’absence de communication vocale intégrée ou d’outils de signalement contextuels complique encore davantage les choses. Et dans un jeu où la réussite repose sur une progression fluide et rapide durant chaque nuit, un seul joueur désynchronisé suffit à faire écrouler l’équilibre fragile de l’ensemble.
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Autre conséquence directe de cette approche coopérative : le temps nécessaire pour compléter une session complète. Comptez environ une heure pour traverser les trois nuits, à condition que tout se passe sans accroc. Dans une configuration idéale, cette durée donne lieu à une montée en tension satisfaisante. Mais en l’absence d’une équipe solide, les abandons en cours de partie ou les comportements erratiques viennent rompre le rythme, voire rendre la progression impossible.
Face à ces limites, la communauté a rapidement formulé une demande claire : l’introduction d’un mode duo. Un compromis entre le solo trop punitif et le jeu en escouade parfois trop instable. FromSoftware a confirmé travailler sur cette fonctionnalité, sans calendrier précis. En attendant, les joueurs isolés devront composer avec les aléas du matchmaking, ou se tourner vers des canaux communautaires externes pour constituer des groupes plus fiables.
Cette exigence structurelle pose une question de fond : dans quelle mesure un jeu coopératif peut-il reposer sur des fondations aussi rigides sans désavantager une partie de son public ? Nightreign propose une expérience collective ambitieuse, mais qui manque encore de souplesse pour pleinement s’épanouir auprès d’un public large.
Le positionnement tarifaire revient sur la table
Malgré une structure rogue-lite pensée pour la rejouabilité, Nightreign ne parvient pas totalement à justifier son prix de lancement. Affiché au tarif d’un jeu premium, il en adopte l’enveloppe, mais sans offrir la densité de contenu généralement attendue dans cette gamme. L’absence d’un mode campagne narratif ou d’un contenu solo étoffé limite l’attrait pour les joueurs solitaires, tandis que le contenu coopératif, bien que prometteur, repose trop sur la répétition d’une même boucle structurelle.
À ce stade, peu d’activités annexes viennent enrichir l’expérience. Les environnements, bien que visuellement réussis, reviennent fréquemment d’une session à l’autre, et les variations dans les objectifs demeurent anecdotiques. L’intention de proposer un rogue-lite exigeant et à forte rejouabilité se heurte à une certaine redondance qui, à terme, risque d’affecter la motivation des joueurs à enchaîner les parties.
Certains titres adoptant des mécaniques similaires optent pour un prix plus modéré, misant sur des mises à jour régulières pour fidéliser la communauté. À l’inverse, Nightreign s’affiche d’emblée comme un produit complet, ce qui alimente les attentes… et les frustrations. Il n’est pas question ici de remettre en cause la qualité de réalisation globale, mais plutôt de pointer un déséquilibre entre ambition et contenu disponible au lancement.
FromSoftware a d’ores et déjà communiqué son intention de faire évoluer le soft, notamment via l’ajout de nouveaux modes et équilibrages. Mais en l’état, le ticket d’entrée pourrait décourager une partie des joueurs, surtout ceux qui espéraient une alternative directe à Elden Ring. Le jeu joue une autre partition, avec d’autres règles (encore faut-il l’avoir pleinement compris avant de passer à la caisse).
Un gameplay authentique, mais une formule (presque trop) particulière
Ce que propose ce spin-off tient presque du laboratoire : une tentative de concilier l’héritage d’un studio culte avec les codes d’un genre exigeant, mouvant, parfois ingrat. FromSoftware ne cherche pas ici à renouveler Elden Ring, mais à explorer un pan du jeu coopératif qu’il n’avait encore jamais effleuré. Et forcément, l’exercice laisse des angles morts.
On pourrait y voir une prise de risque bienvenue, surtout pour un studio souvent perçu comme figé dans ses propres standards. On pourrait aussi y déceler un flou d’intention, un entre-deux maladroit entre rogue-lite et souls-like, qui peine à convaincre sur la durée. Le joueur, lui, se retrouve à la croisée des chemins : soit il adhère à cette boucle imparfaite mais intense, soit il rebrousse chemin, faute de retrouver les repères qu’il espérait.
Reste une base solide, un moteur technique éprouvé, une direction artistique qui sait capter l’œil. Reste aussi un potentiel évident, tributaire de la capacité du studio à nourrir son soft dans le temps. Car s’il y a une leçon à tirer de Nightreign, c’est peut-être celle-ci : un bon jeu ne suffit pas toujours à combler une attente mal calibrée. Et dans ce cas précis, tout dépendra de ce qu’il deviendra.
Points positifs
- Un système de combat solide et éprouvé
- Une bonne rejouabilité pour les amateurs de roguelite
- Un rythme de jeu intense et plus dynamique
- Une formule coopérative inédite pour FromSoftware
- Une direction artistique soignée
Points négatifs
- Des chutes de framerate régulières, même sur PS5 Pro
- Des soucis de caméras qui peuvent générer de la frustration
- Un hub central un peu monotone
- Un loot trop aléatoire pour construire un vrai build, on n’a pas la profondeur stratégique d’Elden Ring
- Un matchmaking instable et frustrant sans équipe préformée