Yoann Lemoine, alias Woodkid, a rejoint le développement de Death Stranding 2 à la demande d’Hideo Kojima, avec qui il avait déjà collaboré sur le premier volet. Pendant trois ans, le compositeur a alterné entre Paris et les locaux de Kojima Productions à Tokyo, participant de manière intime au processus de création. Dans un interview accordée en juin dernier au site Le Point Pop, il évoque un travail réalisé au sein des bureaux, où un studio improvisé avait été installé dans une salle vitrée, à proximité du bureau de Kojima. Cette configuration permettait des échanges constants, dans un environnement artisanal mais stimulant.
Woodkid explique que la méthode de travail était « très organique », avec un scénario en perpétuelle évolution. Chaque modification du jeu influait sur sa composition musicale. Il échangeait régulièrement avec les programmeurs, sound designers et illustrateurs, dont Yoji Shinkawa, afin de s’imprégner de l’univers visuel et narratif. Sa musique alterne morceaux folk émotionnels, titres électroniques déconstruits et séquences rythmiques plus agressives, destinées à accompagner des scènes de gameplay variées.
Une bande-son adaptée au gameplay et à l’expérience joueur dans Death Stranding 2
La particularité du travail de Woodkid réside dans l’approche procédurale de la bande-son. Chaque titre repose sur une structure à multiples couches, totalisant parfois jusqu’à six heures de musique pour une seule chanson. Les différentes composantes – paroles, percussions, harmonies – sont reprogrammées dynamiquement en fonction des actions du joueur. Cette architecture sonore garantit une expérience unique pour chaque partie, à l’image d’un concert en perpétuelle transformation.
L’intégration de la musique s’effectue en symbiose avec le sound design, selon Woodkid. Une attention particulière a été portée à la texture des percussions et au rythme des événements à l’écran. Il cite notamment une scène de moto où un de ses titres préférés accompagne une séquence d’action, dont la synchronisation musicale a été testée et ajustée en temps réel. Il assume pleinement l’influence de titres comme Final Fantasy VII, Ghost in the Shell ou Evangelion, et réclame une place pour la contemplation, inspirée de jeux comme Red Dead Redemption II.
La vision artistique de Woodkid au service d’un projet narratif ambitieux
Si le premier Death Stranding avait largement intégré les morceaux de Low Roar, le second opus propose une direction musicale assumée, marquée par la personnalité artistique de Woodkid. Il ne s’agit pas de reprendre un héritage, mais d’apporter un regard nouveau. Il revendique un ton plus nostalgique, sombre et mélancolique, qu’il avait déjà exploré avec des artistes comme Mylène Farmer.
Les thèmes abordés dans Death Stranding, liés à la solitude, à la contemplation et au lien entre les êtres humains, trouvent un écho direct dans sa création. Le single « To the Wilder », mis en avant par Kojima, illustre bien cette recherche d’émotion à contre-courant des standards du jeu d’action. La liberté créative offerte par le studio a permis à Woodkid de produire une musique en accord total avec sa vision, tout en respectant les contraintes du médium interactif.
Son lien personnel avec des actrices comme Léa Seydoux ou Elle Fanning, impliquées dans le projet, renforce cette affinité avec l’univers de Kojima. Passionné de jeux vidéo depuis l’adolescence, il rappelle combien ce médium a compté dans sa construction artistique, citant notamment Final Fantasy VII et son traitement de l’écoterrorisme comme un tournant d’écriture dans le jeu vidéo. Aujourd’hui, il envisage même de développer un jeu vidéo narratif, porté par ses obsessions esthétiques et son expérience de la 3D.